L'exploitation de l'huile de palme en Equateur

L’Equateur est le 6ème plus gros producteur d’huile de palme au monde et le 2ème d’Amérique du Sud. Bien que la plupart de ses plantations de palmiers à huile se soient développées sur des terres dégradées, on estime aujourd’hui que 6% des exploitations sont apparues au dépend de la forêt primaire. Des écologistes sont préoccupés par le fait que ce pourcentage pourrait augmenter drastiquement dans le futur, dopé notamment par le fort développement du secteur des biocarburants.

 

#1 Réactivation du plan RSPO

Afin de juguler les pratiques destructrices liées à l’exploitation de l’huile de palme, le ministère équatorien de l’agriculture a réactivé la mise en place de son système juridique RSPO en mars 2018. Pourquoi est-il nécessaire de préciser « réactivé » ? Parce que ce plan était déjà opérationnel auparavant, mais le gouvernement l’avait mis en pause en 2017 après les élections présidentielles.
RSPO, pour « Roundtable on Sustainable Palm Oil », est la plus importante certification pour l’huile de palme « durable » au niveau mondial. Elle consiste en une série de critères environnementaux et sociaux dont l’objectif est de donner un caractère durable aux plantations de palmiers à huile : interdiction de déforester dans les zones de forêts primaires, limitation de l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques, assurer la transparence des pratiques de la filière, etc…Forêt primaire rasée à nu pour la création d'une exploitation de palmiers à huile D’un point de vue opérationnel, le plan mis en place par l’Équateur a pour objectif de certifier les provinces productrices dans leur ensemble plutôt que de certifier directement les exploitants ou les plantations. Concrètement cela est censé permettre aux gouvernements régionaux d’augmenter les aides sociales aux petits producteurs, de réduire les dégradations de l’environnement et d’optimiser les chaînes d’approvisionnement. Cette pratique est d’ailleurs plus ou moins calquée sur ce qui se fait ailleurs dans le reste du monde.
Mais ne nous voilons pas la face, la principale raison de la réactivation du plan RSPO en Équateur est bien évidemment économique. Il s’agit d’aider le secteur de l’huile de palme en lui permettant d’accéder plus facilement aux marchés internationaux qui exigent de plus en plus qu’elle soit produite de façon durable.
58% de la production du pays est exportée, principalement au Venezuela et en Colombie. Malheureusement l’instabilité économique et politique, notamment au Venezuela, pousse l’Équateur à chercher de nouveaux débouchés. L’un de ces débouchés est bien évidemment l’Europe qui est déjà le 3ème plus gros acheteur d’huile de palme équatorienne. La problématique pour le gouvernement équatorien, c’est que Bruxelles a imposé à ses États membres d’importer exclusivement de l’huile de palme certifiée RSPO et ce à l’horizon 2020.

Aujourd’hui, avoir ou ne pas avoir la certification RSPO est la différence entre vendre l’huile et ne pas la vendre. Cesar LOAIZA, Directeur Général de la FEDAPAL.

 

#2 L’efficacité du plan remise en question

Le plan RSPO équatorien, pourtant loué par de nombreuses organisations telles que les Nations-Unies, inquiète certains défenseurs de l’environnement qui pointent du doigt le fait qu’il ne serait pas adapté à certaines régions du pays, notamment les régions situées en Amazonie.Plantation de palmiers matures, prêt pour l'exploitation La principale faiblesse de l’approche globale proposée par le gouvernement équatorien est qu’elle pourrait être vulnérable aux changement politiques. Comme abordé précédemment, le RSPO équatorien s’est déjà vu suspendu suite aux résultats de l’élection de 2017. On est également en droit de se demander si se conformer à cette norme est réellement suffisant, considérant la réputation sulfureuse de l’industrie de l’huile de palme dans le pays avec notamment l’apparition de nouvelles cultures dans les régions d’Amazonie. Dans certaines zones d’Équateur, le secteur de l’huile de palme est accusé d’avoir expatrié des communautés entières et de contribuer à la destruction de la forêt tropicale primaire. WWF Équateur, chargé de surveiller la mise en place opérationnelle de la norme RSPO dans le pays, fait de la lutte contre la déforestation une de ses priorités.

WWF ne soutien pas le développement de l’huile de palme en Equateur. Nous pensons que l’augmentation de la production doit intervenir via l’augmentation du rendement des exploitations actuelles ou par la création de nouvelles cultures sur des terres déjà déboisées mais pas en déforestant la forêt primaire. Jorge RIVAS, Coordinateur national WWF.

 

#3 Expansion en Amazonie

Les régions amazoniennes d’Équateur ont vu leur surface occupée par les palmiers à huile augmenter de 15 000 hectares à 34 000 entre 2005 et 2017, l’inquiétude des écologistes évoquée précédemment semble donc justifiée.
Luke WEISS de l’ONG Amazon Frontline reste sceptique concernant les capacités de ce plan a réellement défendre la forêt amazonienne. Il prévient que la déforestation causée par l’exploitation de l’huile de palme a existé et existe toujours en Équateur. Il cite en exemple une plantation de 10000 hectares proches de la région de Shushufindi qui, selon lui, aurait été découpée dans la forêt primaire il y a une trentaine d’années par la société Palmeras de Ecuador. Il ajoute que les entreprises qui exploitent l’huile de palme en Équateur continuent d’essayer de convaincre les producteurs locaux et les communautés indigènes de couper la forêt pour planter des palmiers.Plantation de palmiers aux abords de la forêt primaire En 2011 le Ministère de l’environnement infligea une amende de 375 000$ à la communauté Siekopai pour avoir coupé des arbres sans autorisation. C’est la société Palmeras de Ecuador qui accompagna cette communauté dans ce projet de création d’une exploitation d’huile de palme, et à aucun moment elle n’a abordé le fait qu’un permis était nécessaire pour couper des arbres de la forêt. WEISS se pose donc légitimement des questions sur les motivations de cette société et sur les méthodes qu’elle utilise. L’Amazonie équatorienne est une zone particulièrement intéressante pour le secteur de l’huile de palme pour 2 grandes raisons. La première est le climat, qui est parfait pour la culture du palmier à huile (pluvieux toute l’année avec des températures comprises entre 25 et 28 degrés). La deuxième est que, jusque là, la région a été épargnée par une maladie connue sous le nom de PC (Pudricion del Cogollo en espagnol) qui a déjà ravagé plus de 20 000 hectares de plantation sur la côte ouest du pays. La peur de ce fléau pousse les agriculteurs à déverser des tonnes de pesticides, contaminant les sources d’eau, notamment la rivière Shushufindi. Une rivière qui courre à la frontière ouest du territoire Siekopai et dans laquelle des populations pèchent pour s’approvisionner en nourriture. Le principal problème est que d’un point de vue économique, cultiver des palmiers à huile est pertinent pour les communautés Siekopai. Une famille cultivant 10 hectares peut faire jusqu’à 600$ par mois là ou le salaire minimum est de 366$ par mois, il devient donc facile de les convaincre…

 

#4 Le point de vue d’Ihspingo

En tant qu’organisation promouvant une agrosylviculture traditionnelle basée sur la biodiversité, Ishpingo ne peut pas soutenir le développement du secteur de l’huile de palme dans les régions d’Amazonie équatorienne déjà sévèrement touchées par l’agriculture intensive et l’exploitation pétrolière. Néanmoins il convient de ne pas occulter les réalités économiques d’un pays dont la balance commerciale remonte progressivement vers l’équilibre après avoir atteint son niveau le plus bas en 2010 (plus de 3 milliards de dollars en négatif). Malgré les difficultés et les challenges à relever, nous restons optimistes sur le fait que le plan juridique de certification RSPO en Équateur permettra de maîtriser les différents acteurs et de paver la route à un développement durable, raisonné et équitable du secteur de l’huile de palme. Parallèlement nous continuerons notre travail d’évangélisation pour tenter de montrer aux communautés qu’il existe d’autres alternatives à la culture du palmier à huile.

 

Traduit et adapté de l’anglais par

 

Source: https://news.mongabay.com/

 

 

L’huile de palme en équateur
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