Conservation de la forêt primaire en collaboration avec le Ministère de l’environnement équatorien et les populations locales.
#1 L’Amazonie Équateur : une biodiversité unique qui vit au rythme de l’exploitation anarchique de ses ressources
En 2002, lors de la « Déclaration de Cancun », l’Équateur s’est vu décerné le titre de pays méga diversifié aux côtés de seize autres états. Sa biodiversité est exceptionnelle, ses 71 formations végétales accueillent plus de 16 000 espèces de plantes dont plus du quart sont endémiques. Occupant seulement 1,3% de la superficie totale de l’Amérique Latine, mais doté d’une densité d’espèces presque sans équivalent, l’Équateur se place au niveau :
- 9ème mondial pour la diversité spécifique de mammifères avec 452 espèces natives,
- 3ème pour les amphibiens avec 636 espèces,
- 4ème pour l’avifaune avec 1644 espèces d’oiseaux continentaux
- 7ème pour les reptiles avec 502 espèces répertoriées.
L’unicité de ce pays rend primordiaux les efforts de conservation de ses écosystèmes.
Ishpingo a délimité sa zone d’action entre la « Troncal amazonica » à l’est, une route qui scinde l’Amazonie en deux et le Llanganates à l’ouest, un Parc National qui occupe 219 000 hectares à cheval entre la Cordillère des Andes et l’Amazonie haute.
Ce parc est un lieu mystérieux, riche en légendes et en espèces à découvrir. Son cœur, quasi inexploré, abriterait le trésor des Incas : une montagne d’or cachée par le général du dernier empereur Inca, Atahualpa, dont le corps reposerait également dans cet eldorado.
Plus que les scientifiques, ce sont les chercheurs de trésor qui s’y sont aventuré, tant son relief est accidenté et sa nature réputée hostile. Sa biodiversité est par conséquent peu décrite. Ainsi, les expéditions naturalistes floristiques, herpétologiques ou entomologiques permettent fréquemment la découverte de nouvelles espèces pour la science. Récemment le couloir écologique regroupant le Parc Llanganates et le Parc Sangay a été officialisé comme le site à plus haute densité de reptiles et d’amphibiens à l’échelle mondiale, avec 287 espèces. À titre d’exemple, la France métropolitaine en compte environ 80 pour une superficie 600 fois supérieure !
La biodiversité du parc Llanganates est incroyable.
Mais outre sa biodiversité et ses histoires, le Parc National Llanganates regorge de ressources exploitables : eau, bois, gibier, futures terres agricoles, mais surtout minerais et en particulier l’or.
Son relief extrêmement accidenté l’a protégé jusqu’à récemment de l’exploitation par l’homme puisqu’aucune route ne le traverse. Malheureusement la population équatorienne augmente rapidement et la forêt Amazonienne est de plus en plus rapidement colonisée. Et cela inclut désormais le Parc National Llanganates et sa région. Les politiciens en ont conscience et pour gagner des votes, un projet de route le traversant est à l’étude. Les orpailleurs, organisés en mafia, soutiennent ce projet qui leur donnera accès aux montagnes d’or. Il est évident que la construction de cette route route signerait tout simplement l’arrêt de mort d’un écosystème unique.
Mais cela importe à peu de monde. À part peut être aux populations natives kichwas qui vivent dans les villages en bordure du parc. Alors, depuis 10 ans, nous réfléchissons ensemble et mettons en place des actions pour éviter sa destruction. Et pour cela nous avons des alliés indispensables au sein du Ministère de l’Environnement.
#2 Reboisement en bordure du parc national Llanganates
La déforestation sélective des principales espèces de bois d’œuvre depuis plusieurs décennies a causé la quasi-disparition de ces espèces dans les fermes. Le bois restant un matériau indispensable, notamment pour la construction de maisons, il devient rare et source de conflits. Pour éviter les coupes illégales dans le parc national Llanganates il est primordial de reboiser les fermes des populations indigènes aux alentours.
Depuis 2014 l’association Ishpingo travaille en partenariat avec le Ministerio del Ambiente Ecuatoriano (Ministère de l’Environnement équatorien) en charge de la protection du parc national qui s’étend sur une surface de plus de200 000 hectares, de la cordillère des Andes à l’Amazonie. 2 gardes forestiers locaux surveillent le secteur « Amazonie » du parc naturel. Leurs activités sont très diverses et les moyens dont ils disposent sont faibles. Ils doivent notamment contrôler la coupe illégale de bois, le braconnage, l’orpaillage, la pollution des rivières…
Étant l’unique ONG travaillant sur la reforestation dans la région, ils nous ont contactés afin que nous puissions leur apporter notre soutien. Une pépinière a été construite et nous avons formé les 2 gardes à la production de plantes en pépinière et aux activités de plantation et de suivi. Chaque année 2 000 à 4 000 plants sont produits et distribués aux populations locales vivant dans la zone tampon du parc Llanganates. Les opérations de reboisement s’effectuent avec les agriculteurs les plus motivés, les écoles et les collèges du secteur. Nous avons ainsi replanté 20 000 arbres et « ojala » notre collaboration n’est pas près de s’arrêter…
#3 Protection des arbres mères et création d’une banque de graines
Pour planter des arbres il faut des graines, beaucoup de graines ! Et en plus il faut que ce soient des graines de qualité, issues d’arbres mères ayant d’excellentes caractéristiques morphologiques, un taux de croissance élevé ainsi qu’une bonne résistance aux maladies et aux parasites. Cependant, il ne faut pas non plus produire tous les plants d’une même espèce à partir d’un ou deux arbres mères, sinon la variabilité génétique diminue, ce qui fragilise l’espèce et conduit inexorablement à son déclin. Une fois de plus, la déforestation sélective a eu raison des populations d’essences de bois d’œuvre et il ne reste malheureusement que très peu d’individus de qualité par espèce. Et cette tendance s’accentue. Nous pourrions attendre la production de graines des arbres issus des premières plantations réalisées par Ishpingo, il y a 10 ans, mais d’ici à ce que ces arbres soient effectivement en mesure de produire leurs premières graines, nous pourrions tomber en rupture de stock.
Devant cette problématique inquiétante, Ishpingo a pris la décision, en 2017, de lancer une nouvelle activité de conservation qui consiste à protéger des arbres mères dans les réserves privées de certains locaux, ou groupes de locaux, préoccupés depuis toujours par leur environnement. Nous pensons qu’un arbre mère est un bien commun et de ce fait il ne doit pas être à la charge seule de son propriétaire. Dans cette optique, le propriétaire reçoit une compensation financière qui le dissuade définitivement de couper l’arbre. En échange, il met à disposition les graines produites par l’arbre mère. Il s’agit bel et bien d’une banque de graines in situ dont tout le monde peut profiter…
#4 Création d’un lieu dédié au contrôle des ressources, à l’information et au dialogue
La situation géographique du parc national Llanganates lui confère une singularité sans pareille. Ancré entre l’Amazonie et la Cordillère des Andes entre 600 et 4000m d’altitude, cet écosystème qui abrite le fameux ours à lunette possède un climat très spécifique. On y recense une très forte biodiversité et de nombreuses espèces endémiques.
La protection de ce parc est une priorité pour l’association Ishpingo. Et même si nous sommes convaincus que la sensibilisation, le dialogue et la participation des populations locales est la meilleure manière de protéger la forêt et les ressources qu’elle fournit (eau, air pur, biodiversité, bois…), devant l’urgence de la dégradation des réserves telle que l’on peut l’observer à tous les niveaux, un contrôle des ressources est nécessaire.
Pour cela, le Ministère de l’Environnement équatorien en charge de la protection des ressources naturelles a construit, en 2019, un point de contrôle sur l’unique voie d’accès proche du parc Llanganates afin de lutter contre la coupe illégale de bois, l’orpaillage et le braconnage. En manque de budget, le ministère de l’environnement nous a sollicité pour participer à son financement. En 2022, grâce à des fonds propres d’Ishpingo, nous avons pu les aider à terminer la construction et à l’équiper pour le rendre fonctionnel. Fini les réunions informelles au détour d’un sentier, à l’épicerie du village ou chez les gardes parcs. Nous pouvons désormais recevoir les organisations locales publiques et privées dans une salle de réunion équipée d’une connexion internet afin de réfléchir sur le développement des activités de recherche et de protection des forêts environnantes. Avec sa cuisine et ses dortoirs, nous l’avons également convertie en refuge à partir duquel nous partons observer et mesurer la biodiversité accompagnée de naturalistes professionnels.
Ce bâtiment remplit aujourd’hui de nombreuses fonctions : point de contrôle, refuge, bureaux, hangar. Un espace de 90 m2 disponible à l’étage nous est mis à disposition par le Ministère afin de le convertir en un espace pédagogique et muséographique ayant pour vocation la libre circulation de l’information auprès des populations locales ainsi que la médiation entre les différents acteurs. Un lieu basé sur l’échange et le partage, favorisant la mise en place d’actions concrètes pour le bien de l’environnement et de ses habitants.
#5 Un programme de recherche pour améliorer nos connaissances
Mais pour proposer des activités alternatives durables aux populations locales il nous faut renforcer nos connaissances sur les innombrables ressources que procure la foret primaire (flore et faune). Cela passe par le développement d’un programme de recherche approfondie et sur du long terme. Et c’est ce que nous avons entrepris en 2023. Il vise à mesurer la biodiversité dans ce territoire de 10 000 hectares en bordure du parc Llanganates et essentiellement recouvert de forêt primaire. Nous réalisons également des études dans d’autres secteurs de la région amazonienne, entre 300 et 1300m d’altitude.
Animaux sauvages observés dans le Llanganates.
Au programme, de nombreuses expéditions accompagnées des gardes forestiers du parc et de naturalistes professionnels (ornithologues, herpétologues, entomologues…). Nous avons commencé par nous équiper en matériel d’expédition pour pouvoir partir dans les endroits les plus reculés et ainsi recueillir des données de biodiversité. Nous partons donc régulièrement sur 1, 2, 3 ou 4 journées, munis d’outils de mesure et d’observation.
Des caméras de chasse installées sur les lieux de passages des mammifères nous ont permis de documenter la présence d’une faune diverse et encore abondante. Notamment une population conséquente d’ours à lunette et des occurrences fréquentes du jaguar et du Puma. La cohabitation de ces trois super prédateur d’Amazonie en un espace aussi restreint est absolument unique et fait l’objet d’interrogation et d’investigation que les caméras nous permettront d’approfondir. En outre, nos dispositifs ont révélé d’abondantes apparitions d’ocelots (Leopardus pardalis), de jaguarondi (Herpailurus yagouaroundi), des deux espèces de pécari (Pecari tajacu & Tayassu pecari) , des martres à tête grise (Eira barbara), de plusieurs espèces de tatou, d’opossum, de fourmiliers, de coati, d’agoutis et autres rongeurs géants. La liste est déjà longue et ne fait que de s’étirer. En 1 an, nous avons enregistré plus de 70% des « gros » mammifère présents en Amazonie haute.
L’observation des oiseaux se fait quant à elle dès le lever du jour, soit à 6 heures du matin. Enfin sauf s’il pleut et auquel cas les oiseaux restent au sec dans leur nid. C’est donc incertain mais les belles journées nous permettent d’observer de 50 à 100 espèces différentes sur les près de 1000 potentiellement observables.
On parle d’observation d’oiseaux, mais en réalité il s’agit plutôt d’écoute puisque les oiseaux sont petits, vifs et se confondent dans la forêt. Alors on tend l’oreille pour percevoir les chants et identifier les oiseaux. Les ornithologues qui nous accompagnent et qui ont des années d’expériences reconnaissent les gazouillis de la majorité des espèces. Mais nous, pour apprendre et enregistrer nos mesures, nous utilisons un outil pratique et relativement fiable: une application appelée Merlin, qui enregistre les sons, les compare avec sa base de données et identifie les espèces. Le croisement d’information avec les ornithologues directement lors de l’observation de terrain nous permet de nous assurer que l’application ne s’est pas trompée. Car les chants de chaque espèce d’oiseau évoluent en fonction des secteurs. Comme si chaque région avait son patois. C’est pour cela que nous aimerions adapter l’application Merlin aux sons que l’on peut entendre dans la région que nous étudions pour qu’elle devienne totalement fiable et puisse éventuellement être utilisée dans l’avitourisme même pour des néophytes. Car avec cette application et une petite enceinte, il est possible de reproduire le chant de l’oiseau identifié, ce qui l’attire et peut permettre de le photographier.
L’activité nocturne est également très importante. Elle concerne particulièrement les reptiles et les amphibiens. C’est l’herpétologie. Muni d’une lampe frontale, elle commence à la tombée de la nuit et peut se poursuivre jusqu’à 3 ou 4h du matin si la motivation est là, si la nuit est obscure et si la faune se laisse observer. Car la quantité de serpents, grenouilles, araignées et autres lézards rencontré en une nuit est très variable. Elle dépendra du climat car ces petits « bichos » comme nous les appelons, se promènent durant les saisons humides. Ils sont souvent plus présents en bas de vallée, proches des cours d’eau. Ils ont également des périodes de reproductions durant lesquelles ils partent en quête d’un partenaire et se rendent plus visibles et audibles. Et puis ces animaux montrent un taux élevé de micro-endémisme. Par exemple il existe des espèces de grenouilles qui ne peuvent être observées nulle part ailleurs que dans un versant de vallée de quelques centaines de m2. Donc pour identifier les espèces encore inconnues qu’abritent la zone d’amortissement, et nous sommes persuadé qu’il y en ait, il nous faut varier les secteurs et diversifier les biotopes d’inventaire.
De plus, les reptiles et amphibiens ont une haute sensibilité cutanée ce qui les rend très vulnérable face à l’arrivée de pathogène extérieurs et aux changements de leur environnement, même les plus infimes, imperceptibles par l’humain. En particulier, elles sont extrêmement touchées par un champignon d’origine asiatique introduit involontairement par l’homme dans les écosystèmes, le Batrachochytrium dendrobatidis, il est déjà responsable de l’extinction de plus de 80 espèces d’amphibien. Pour ces raisons, les reptiles et amphibiens sont considérés comme des bioindicateurs précis : l’étude des variations des populations permet de mesurer l’évolution de « l’état de santé » de l’écosystème et les conséquences de divers facteurs comme le changement climatique, la dégradation des forêts, ou encore la contamination des cours d’eau.
Alors, on pourrait penser que la disparition d’une espèce de grenouille est quelque chose de bénin mais cela créé automatiquement un déséquilibre en favorisant l’insecte qui était chassé par cette grenouille et en diminuant la ressource de l’animal qui s’en nourrissait. C’est toute la chaine trophique qui s’en retrouve altérée. Et même si nous n’en avons pas encore la preuve scientifique, il est facilement imaginable que cette altération puisse expliquer le développement d’espèces invasives locales, néfastes pour les systèmes agricoles et agroforestiers. Par exemple nous constatons depuis quelques années la prolifération de l’oropendula (Psarocolius angustifrons), un bel oiseau natif de la région qui est devenu invasif possiblement parce que la population de son prédateur a diminué. Il se nourrit des fruits que les agriculteurs cultivent et peut faire diminuer la production de plus de 50%.
C’est un programme de recherche ambitieux pour une ONG mais qui nous semble dorénavant indispensable car il doit permettre de proposer des solutions alternatives concrètes à la déforestation, l’agriculture intensive et l’extractivisme. Mais pour être la source de nos futurs projets, il devra se poursuivre sur de nombreuses années. Pour cela nous dépendrons de la générosité de nos partenaires financiers actuels et « ojala » de l’apparition de nouveaux mécènes aux côtés d’Ishpingo.
#6 Développer des alternatives économiques durables face à l’extractivisme.
Beaucoup plus agressif que la construction pharaonique de cette route trans-Llanganates qui prendra des années à aboutir si toutefois elle débute, l’orpaillage illégal prend depuis quelques années une ampleur extrêmement préoccupante. Beaucoup trop d’argent est en jeu pour qu’Ishpingo puisse lutter directement contre. Les pouvoirs publics, le narcotrafic et les pays demandeurs comme la Chine sont baignés dans ce business juteux. Ils profitent de la naïveté des populations locales pour les convaincre de l’intérêt qu’ils ont à mettre à disposition leurs terres et prendre leur part du butin au détriment de la destruction des terres et la pollution des rivières au mercure, au cadmium et au plomb.
Alors pour agir, les leviers sont peu nombreux. L’exploitation aurifère illégale se fait aux yeux de tous mais les orpailleurs illégaux sont protégés par les juges et politiciens locaux, et les recours en justice n’aboutissent pas. Alors l’unique option qui nous semble pertinente est de leur proposer de développer des activités économiques alternatives durables. On en revient à notre postulat de base d’il y a 20 ans qui était de valoriser la biodiversité par le biais de l’agroforesterie. Mais de l’étendre un peu plus.
Des projets productifs où l’on pourrait créer de la valeur marchande à partir de la biodiversité du parc national Llanganates. Le modèle serait le même à chaque fois. Découvrir des espèces rares et à fort intérêt économique, prélever quelques individus et les élever ou les cultiver en quantité pour les vendre. Toujours des petites structures à l’échelle d’un village ou d’un groupe de personnes. Chacune avec un produit différent. Elever des larves comestibles, exporter des chrysalides et autres papillons rares, produire du venin de serpent, d’araignées ou de scorpions, élever du gibier pour remplacer la chasse, des abeilles mélipones pour produire du miel, des microorganismes bénéfiques permettant de développer la lutte biologique ou la production d’engrais bio, commercialiser des nouvelles espèces ornementales (orchidées, bromélia…), des arbres contenant des molécules médicinales, de nouvelles espèces de bois d’œuvres, comestibles, des fibres pour le textile.
Deux autres alternatives durables intéressent beaucoup les populations kichwas : la compensation carbone de leur territoire ancestral de 10 000 hectares et le tourisme naturaliste (ornithologie, herpétologie, mammologie, entomologie, …). En 2024 et après de 2 ans de recherche, 3 projets productifs voient le jour :
- L’aide au développement de l’avitourisme par la plantation dans des fermes d’espèces d’arbres et d’arbustes servant à nourrir et donc attirer les nombreuses espèces d’oiseaux.
- Un partenariat avec un centre de sauvetage et de réintroduction d’animaux sauvages victimes du trafic d’animaux et en collaboration avec les villages environnants.
- L’élevage de papillons pour la production de larves comestibles et de papillons ornementaux.
L’observation des oiseaux est une activité touristique qui se développe rapidement comme alternative au tourisme de masse, au Costa Rica notamment. Grâce à l’impressionnante biodiversité dans la région, de nombreuses initiatives ont vu le jour ces dernières années mais faute de connaissance et de moyen, la venue de touristes reste limitée.
Pour améliorer l’offre touristique, nous travaillons à la mise en réseau de ces initiatives individuelles afin de créer une route d’observation d’oiseaux allant de la forêt amazonienne basse (300m d’altitude) jusqu’aux piémonts andins (1300m d’altitude). Chaque réserve privée ou communautaire ayant potentiellement des espèces d’oiseaux spécifiques avec des lieux de nidification à identifier et permettant d’assurer aux touristes l’observation d’un maximum d’espèces durant cette route.
Il faut savoir que de manière générale, l’observation des oiseaux se fait aussi bien en forêt primaire que dans des environnements dégradés ou la végétation est plus éparse. Dans les réserves en question, il y a bien souvent un dégradé de végétation allant de zones totalement déboisées proches des routes à de la forêt primaire au fond des réserves.
Observation des oiseaux et d’autres espèces au cœur du Llanganates.
Notre travail est donc d’une part d’accompagner les propriétaires de ces réserves dans la recherche de l’oiseau rare et de son nid mais aussi de les conseiller dans la manière de construire ses sentiers et ses infrastructures touristiques.
La quantité d’oiseaux présents est également un facteur important dans le succès d’un projet écotouristique. Il faut donc leur fournir un environnement attrayant, la nourriture étant la meilleure manière d’attirer les oiseaux. Une nourriture variée et disponible toute l’année. Il faut donc planter des arbres, de nombreuses espèces d’arbres. Ces arbres qui produisent des fruits dont les oiseaux raffolent. Des arbres qui abriteront une multitude d’insectes, le met favori d’un bon nombre d’espèces d’oiseaux. Des arbres ou pousseront des épiphytes, elles-mêmes productrices de fruits. Et ça tombe bien puisque la reforestation est notre cœur de métier. Mais cette fois ci, ce ne sont plus des espèces de bois d’œuvres, médicinales ou produisant des fruits destinés à l’humain mais de nouvelles espèces spécifiques aux oiseaux. Et il en existe des centaines que nous identifions petit à petit à force d’échanger avec les populations locales et les guides ornithologues de la région. Mais surtout nous passons beaucoup de temps à observer, relever des données afin d’établir une liste qui s’allonge au fur et a mesure que nous affinons nos connaissances. Une fois identifiée, des graines de chaque espèce sont collectées, mises à germer et les plants sont cultivées en pépinière pour s’assurer de leur reproductibilité, comprendre leurs particularités et établir une méthodologie spécifique à chaque graine. Tout cela prend du temps et les véritables plantations commenceront en 2025. Elles se concentreront exclusivement sur les parties dégradées des réserves.
L’AmaZOOnico est depuis 30 ans un refuge officiel pour les animaux blessés ou victimes des trafics. Il est composé d’un sanctuaire de près de 2 000 hectares, en grande majorité recouvert de foret primaire et d’un espace ou les animaux sont soignés puis mis en cage ou en semi-liberté le temps de se remettre en forme. L’objectif étant d’essayer de les libérer une fois soignés. Mais cette activité est difficile à réaliser.
Les intérêts à ce projet sont multiples. Ne plus acheter de fruits et légumes non biologique dans le centre urbain le plus proche. Augmenter les volumes de fruits achetés en circuit court et ainsi fournir des revenus aux populations locales. Diversifier l’alimentation des animaux en essayant de se rapprocher le plus possible de leur véritable nourriture lorsqu’ils vivent en liberté afin d’améliorer leur santé et de faciliter leur réintroduction.
Comme pour le projet de reforestation dans les réserves avitouristiques en 2024, nous concentrons nos efforts sur l’élaboration d’une liste de plusieurs dizaines d’espèces. Elle est établie à partir des connaissances que nous transmettent les populations locales, principalement des chasseurs et des naturalistes spécialisés en mammifères. Mais surtout par les nombreuses observations faites en forêt primaire grâce aux caméras de chasses, à l’observation des empreintes et du contenu des excréments.
Les bénéficiaires de ce projet sont une association de 40 femmes qui en 2025 pourront reboiser leurs terres et obtenir par la suite des revenus non négligeables grâce a la vente des fruits, racines et feuilles.
L’AmazOOnico essaye de réintroduire les animaux soignés mais c’est un processus difficile. Au sein de leur réserve de 2000 hectares, ils ont dédié un espace a l’acclimatation des animaux. Il y a des cages ouvertes et un peu de nourriture est déposée. Les animaux sortent petit a petit de la cage, pour aller en forêt se nourrir et se socialiser avec les individus de leur espèce. Dans l’espoir qu’un jour ils restent en forêt.
Cette zone d’acclimatation est en parti un ancien pâturage et la forêt n’a pas encore repris son droit. En 2025 nous espérons reboiser environ 2 hectares avec un très grand nombre d’espèces natives, en essayant de reconstituer le plus possible la forêt primaire et ainsi permettre aux animaux de s’acclimater dans des conditions similaires a la véritable forêt primaire.
Le 3eme projet qui a débuté en 2024 est l’élevage de papillons et de scarabées en volière ou en semi-liberté afin de produire des larves comestibles.
Les larves font partie de l’alimentation traditionnelle des populations kichwas à l’époque où, nomades, ils étaient chasseurs cueilleurs. Grâce à de nombreuses discussions avec les anciens, nous en avons identifiés une trentaine mais il y en a probablement beaucoup d’autres.
Il s’agit de larves qui sont pondus dans les troncs de palmiers ou sur des arbres fruitiers spécifiques. Durant son état larvaire, chaque espèce d’insecte s’alimente d’une espèce végétale (parfois 2 ou 3).
Riches nutritivement, notamment en protéine ils participent à une alimentation saine et équilibrée, d’autant plus que leurs qualités gustatives sont extrêmement appréciées. Ils peuvent donc être un substitut aux élevages de poules, vaches et porcs.
Malgré l’abandon progressif des coutumes kichwas, en ville ou dans les villages, le gout pour les vers perdure. Ils restent un aliment très recherché. Malheureusement sa collecte anarchique, sa consommation non régulée, l’usage de pesticides et la déforestation ont conduits à sa raréfaction. Certaines espèces sont même presque totalement éteintes. Notre défi est de réintroduire dans les fermes ces espèces disparues et pourtant si recherchées par les populations locales. Aussi bien pour son alimentation quotidienne que pour la vente sur les marchés locaux, dans les restaurants et lodge touristiques où l’« expérience culinaire traditionnelle » fait partie de la découverte de la culture.
Après avoir identifié les larves les plus appréciés nous les élevons pour étudier leur comportement. Soit dans notre volière ou les espèces végétales associées y sont plantés, soit en semi-liberté c’est à dire dans des fermes pilotes ou de jeunes arbres sont déjà présents. Une fois déposés les papillons ou les jeunes larves, nous recouvrons l’arbre d’une maille afin qu’elles ne s’échappent pas ou pour éviter qu’un prédateur ne vienne les manger.
Une fois maîtrisées les techniques d’élevage, nous souhaitons produire des papillons en grande quantité dans nos volières pour ensuite les distribuer aux populations locales qui ont participé aux projets de reforestation afin qu’ils les élèvent.