Certification durable de l'industrie forestière

Les experts de l’agroforesterie avancent que les dispositifs de certification existants à l’heure actuelle sont loin d’être suffisants pour assurer le caractère durable de l’exploitation forestière à l’échelle mondiale. La valeur réelle de ces certifications et comment elles peuvent être améliorées seront justement au centre des débats, ce mois-ci, lors du 5ème dialogue international de Singapour sur l’exploitation durable des ressources de la planète.
Il n’y a pas de doute sur les bénéfices que la certification « développement durable » pourrait apporter à l’industrie forestière, un secteur connaissant de nombreux problèmes allant de la spoliation des droits des peuples indigènes à la disparition de la biodiversité en passant par l’émission de gaz à effet de serre.
Mais alors que mettre en place des normes internationales peut ressembler à un progrès pour certain, les dispositifs de certification dans l’industrie forestière ne riment pas toujours avec la préservation des écosystèmes qu’ils sont supposés protéger. Ceci est particulièrement vrai en Asie du Sud-Est, une région du monde hébergeant certains des écosystèmes les plus riches et les plus complexes.

Les normes de certification sont loins d’être parfaites. Elles sont en tout cas insuffisantes pour stopper la déforestation dans les zones écologiques les plus menacées telle que l’île de Bornéo. Professeur Alain RIVAL, directeur régional au CIRAD.

 

#1 Une question politique.

Le dispositif de certification le plus important au monde, le PEFC, et le plus important cadre de certification de l’huile de palme, le RSPO, sont tous deux gérés directement par la filière agro-industrielle.Certification RSPO pour l'huile de palme Alors quel est le véritable rôle des gouvernements dans ces pratiques de certification labellisée « développement durable » ?
Le Docteur Reza AZMI, directeur de Wild Asia soutient que les dispositifs de certification sont un moyen efficace de persuader les grandes corporations d’embrasser les pratiques de développement durable. Néanmoins celles-ci n’ont qu’un impact minime sur les grandes tendances d’utilisation des sols, pour la plupart controlés par les gouvernements. En d’autres termes, les standards de certification ont un rôle à jouer, mais l’implication des gouvernements pour faire avancer le contrôle des pratiques douteuses est absolument nécessaire. Les certifications seules, ne sont pas suffisantes pour en finir avec les pratiques de déforestation destructrices telles que la terre brûlée par exemple.

 

#2 Des certifications multiples.

Les deux plus gros producteurs mondiaux d’huile de palme, la malaisie et l’Indonésie, ont tous deux des certifications domestiques. En Malaisie il s’agit de la norme MSPO (Malaysian Sustainable Palm Oil), en Indonésie il s’agit de la norme ISPO (Indonesian Sustainable Palm Oil). Ces normes deviendront obligatoires respectivement en 2019 pour la Malaisie et en 2020 pour l’Indonésie.Récolte des fruits de palmiers à huile « Les certifications obligatoires montrent bien que la Malaisie et l’Indonésie ont adopté une posture sérieuse face aux problèmes environnementaux liés au secteur de l’huile de palme » déclare Dato Dzulkifli Abdul Wahab, président de Felda Technoplant, une agence gouvernementale Malaisienne gérant des petits producteurs. Il ajoute, en faisant allusion à la décision de la communauté Européenne de bannir l’huile de palme en tant que biocarburant à l’horizon 2020, que les efforts devraient être partagés par la communauté internationale qui devrait arrêter d’associer le développement de la culture du palmier à huile avec la dégradation de l’environnement. Il continue de se justifier en affirmant qu’il existe d’autres secteurs qui causent de plus gros dégâts et qui parviennent à échapper à la vindicte populaire. Un discours presque surréaliste quand on connait les ravages causés par la surexploitation de l’huile de palme sur les écosystèmes de l’île de Bornéo notamment.
Concrètement, les problèmes soulevés par ces certifications obligatoires sont multiples. Premièrement, les sociétés qui avaient accepté de façon volontaire de respecter la norme RSPO se retrouvent devant l’obligation d’obtenir une certification de plus. Deuxièmement les certifications multiples embrouillent les consommateurs, les marchés et les producteurs. L’association Wild Asia a déjà tenté de convaincre les autorités malaisiennes d’exempter de MSPO les agriculteurs déjà certifiés RSPO, sans succès.

 

#3 Les certifications, un coût sans contre-partie.

Obtenir une certification représente un coût non-négligeable pour les producteurs, particulièrement pour les petites structures. Or, l’ironie de la situation, c’est que les marchés occidentaux demandent de l’huile de palme certifiée mais dans le même temps ils refusent que cela impacte le court des prix. Implicitement cela signifie que ce sont les producteurs qui devraient assumer seuls les surcoûts engendrés par la mise en place d’une telle démarche. Le beurre et l’argent du beurre…

Il y a un fossé énorme entre le discours des occidentaux sur la nécessité d’acheter de l’huile de palme certifiée et la réelle demande des marchés ce qui ralentit le rythme d’évolution de la situation. Les acheteurs ne doivent pas se contenter d’exiger de l’huile de palme certifiée, ils doivent être prêts à payer pour cela. Fawziah Selamat, député directeur du développement durable au SIIA.

Pour accélérer la transition vers de l’huile de palme durable et s’assurer que les certifications deviennent pertinentes aux yeux des producteurs de toute taille, il faut impérativement que les bénéfices de l’emploi des techniques de développement durable apparaissent très clairement aux yeux de tous.

 

#4 La moins mauvaise des solutions ?

L’introduction de la certification développement durable dans l’industrie forestière à l’échelle internationale n’est pas une tâche facile, mais existe-t-il une autre solution ? Les experts du domaine considèrent qu’il faut que les certifications incitent les acteurs majeurs de la production de l’huile de palme à s’associer aux petits producteurs afin de mieux pouvoir se concentrer sur la mise en place d’un business responsable. Alain RIVAL propose de se baser sur des constatations scientifiques permettant de se faire une idée précise de l’impact de l’industrie forestière sur l’environnement afin de définir des normes capable de réellement protéger les écosystèmes fragiles. Il ajoute que la certification développement durable est « une étape clé, mais n’est pas la destination finale ». Cette problématique sera sans aucun doute l’un des principaux sujet de discussion durant ce 5ème dialogue international de Singapour sur l’exploitation durable des ressources de la planète.

 

Traduit et adapté de l’anglais par

 

Source: http://www.eco-business.com/

 

Industrie forestière et certification