Filière équitable basée sur l'achat de feuilles de cannelle amazonienne

Élaboration et commercialisation d’huiles essentielles rares à partir d’arbres issus de nos projets de reforestation.

 

#1 La commercialisation des produits agro forestiers, une nécessité.

L’association Ishpingo a toujours été convaincue que la lutte contre la déforestation doit être menée par les populations locales. Or dans un contexte de globalisation, même les indiens vivants en Amazonie attendent de leur environnement qu’il leur fournisse des revenus économiques permettant de subvenir à leurs besoins. Pour que le modèle agro forestier proposé par l’association Ishpingo puisse être reproduit à un grand nombre de fermes de la région, il suffit qu’il soit plus rentable que les monocultures déjà présentes. Il est donc nécessaire d’accompagner le reboisement par la commercialisation des produits agricoles et forestiers issus de cette reforestation.
Après 15 années passées à planter des arbres dans le bassin amazonien équatorien, c’est ce que nous nous évertuons à faire depuis 2016, notamment avec l’huile essentielle d’ishpink.

 

#2 Une étude de marché, de nombreux essais et une vaste recherche de partenariats

L’idée des huiles essentielles est née en 2017 après la visite d’une distillerie. Son responsable nous a affirmé que l’huile essentielle d’ishpink est excellente et qu’elle devrait être commercialisée. Il n’en fallait pas plus, le projet est lancé. D’abord, nous avons étudié le marché des huiles essentielles et surtout celui des cannelles asiatiques.
Par la suite, nous avons réalisé nos propres tests. Et après des productions d’huile dans 3 distilleries bien différentes, nos échantillons sont analysés par 2 grandes entreprises de l’industrie cosmétique. Des retours prometteurs de leur part ainsi que des conseils donné par un spécialiste nous poussent à louer un petit alambique pour faire plus d’essais.Récolte des feuilles de cannelle amazonienne en famille L’objectif étant l’amélioration de la qualité et du rendement de notre huile en fonction du chémotype des arbres, des conditions climatiques de récolte, de l’altitude, du type de sol, des conditions dans lesquelles elle est cultivée, de la taille et de l’âge des arbres, du séchage ou non des feuilles et de la durée de la distillation. Après 40 distillations et autant d’analyses chromatographiques, nous y voyons beaucoup plus clair.
Grâce à toutes ces précieuses données, nous réalisons une nouvelle distillation dans un alambic industriel en essayant de réunir toutes les conditions favorables. Des échantillons sont envoyés à plus de 20 potentiels clients. Certains nous font part de leur intérêt, et un parfumeur en particulier nous demande 2kg de notre huile pour un test à plus grande échelle. Étant justement en début de construction de notre fabrique agro-alimentaire, nous décidons d’y inclure une petite distillerie. Nous l’équipons rapidement d’une chaudière et d’un alambic industriel de 1000 litres et la distillation peut commencer. Les 2kg d’huile sont produits et envoyés. Le client est satisfait et, début 2019, il nous passe une première commande de 20kg.

 

#3 Le développement de la filière : approvisionnement, distillation et exportation.

Avec la garantie d’un gros client, le plus dur semble être fait mais la production doit maintenant suivre et les techniques de récolte doivent être durables.Un agriculteur taille un arbre à cannelle amazonienne (ocotea quixos) L’huile essentielle étant obtenue par distillation des feuilles et rameaux récoltées par la taille de la pointe des arbres, elle peut se faire une fois par an. Ayant bien étudiés les vitesses de régénération des feuilles selon les différentes techniques de taille, nous expliquons à chaque agriculteur, lors de la première récolte, comment il doit procéder. Nous lui fournissons également sécateurs et sacs. Une fois formé, il se charge de récolter et nous revenons vers lui en fin de journée pour la pesée et la paye. Les feuilles sont transportées en pickup jusqu’à notre fabrique ou elles seront étendues pour ne pas s’abimer. Les feuilles sont achetées 2 fois par semaine, les jours de soleil, à raison d’une tonne chaque jour.
La distillation se fait dans les jours suivant la récolte. L’alambic peut recevoir 400 kg de feuilles et la distillation dure toute la journée. Le développement de cette filière a permis la création d’un emploi à temps plein pour la distillation et un autre à mi-temps pour l’achat des feuilles. Clemencia est en charge de la distillerie et Marco de l’approvisionnement.
En 2019 près de 50 000 dollars de feuilles ont été achetés à 200 paysans agro forestiers Kichwas. En 2021, avec 80 000 dollars d’huile vendue, la demande a augmenté mais nous avons rencontré quelques facteurs limitants au développement de la filière.
Pour pouvoir annuellement transporter puis transformer presque 100 tonnes de feuilles en huile, il nous a fallu investir dans un petit camion et dans une distillerie digne de ce nom. Depuis septembre 2021, notre distillerie tourne à plein régime avec ses 2 alambiques de 1000 litres et une chaudière à vapeur alimentée à l’énergie hydroélectrique 100% renouvelable.
résultat d'une distillationChaque producteur cultive seulement quelques arbres la vente des feuilles leur a permis d’augmenter considérablement leurs revenus annuels. En moyenne, ils ont augmenté de 15% alors qu’ils n’ont eu à réaliser qu’1 à 3 journées de récolte chacun. Des chiffres exceptionnels pour Ishpingo et les populations locales qui viennent tout juste de se lancer dans cette nouvelle filière. Il convient néanmoins de rester prudent, et de réussir à confirmer cette tendance les prochains mois…
Pour fortifier ces filières de vente récentes, nous poursuivons la recherche de nouveaux clients intéressés par l’achat de notre huile essentielle d’ishpink. Nous avons contacté énormément d’entreprises, envoyés des échantillons à celles qui nous l’ont demandé et avons bon espoir d’aboutir à l’ouverture de nouveaux marchés. De cette manière nous pourrons augmenter considérablement le volume de feuilles achetés aux agriculteurs.

 

#4 Une filière ancrée dans le développement durable

L’ishpink (cannelle amazonienne) est un arbre natif de taille moyenne. Son origine locale et la composition moléculaire de ses feuilles font qu’il n’existe aucun ravageur (insecte, champignon…) qui affecte sa production de feuilles. Inutile donc d’utiliser des produits chimiques. L’huile essentielle d’ishpink est bio.Récolte des feuilles de cannelle amazonienne en famille Néanmoins, ces arbres hébergent beaucoup de fourmis, ce qui complique la récolte des feuilles pour le producteur qui doit monter dans l’arbre pour la réaliser.
L’huile essentielle d’ishpink est obtenue par distillation des feuilles et rameaux récoltés lors de la taille de la pointe des arbres, opération qui ne peut se faire qu’une fois par an. En conséquence, l’arbre produira constamment des feuilles et sera ainsi une source de captation de carbone. À noter qu’après distillation, les feuilles sont utilisées comme compost et leur décomposition naturelle permettra un retour à la terre d’une partie du carbone qu’elles contenaient. De plus, l’humus produit par sa décomposition enrichira les sols et alimentera les arbres fruitiers, très demandeurs en nutriments.
L’huile essentielle en général est un produit transformé très concentré puisqu’il extrait l’essence des plantes. Celle de cannelle amazonienne en particulier est une huile rare qui se vend chère. Inutile de remplir des containers entiers, juste quelques cartons exportés par an suffisent pour avoir un impact sur des centaines de producteurs. À titre d’exemple, pour produire 1 litre d’huile essentielle d’ishpink, il faut 500kg de feuilles ! La consommation d’énergie fossile liée au transport est donc très faible.
Nous essayons de développer un échange commercial basé sur la confiance et la satisfaction des 2 parties. L’objectif est de développer une véritable alternative économique, sociale, solidaire et durable à l’extractivisme.Système de distillation Concrètement, 60% du prix de vente de l’huile correspond au prix d’achat des feuilles !
Après avoir expérimenté différentes modes de récoltes et de techniques post récoltes, nous avons mis en place une méthode qui permet à la fois de récolter la totalité des feuilles d’un arbre (on dirait un arbre à feuilles caduques au sortir de l’hiver) et de favoriser sa repousse sans provoquer trop de stress à l’arbre. De cette manière, un an et demi plus tard, il est à nouveau récoltable.
Et puis en plus de son délicieux parfum, l’huile essentielle d’ishpink présente des vertus médicinales prometteuses. Un produit salutaire qui pourrait être, à long terme, une alternative aux antibiotiques dans le traitement d’infections bactériennes diverses.
Les bienfaits de la culture de l’ishpingo pour notre mère nature et les populations locales sont démontrés. Mais nous devons veiller à ce que la culture de la cannelle amazonienne ne soit victime de son propre succès car, en 2019, elle a reçu la palme de la culture la plus rentable de la région. Et comme cela arrive souvent, les conséquences pourraient être la ruée vers l’or et le début de sa culture intensive ! Mais la nature en a décidé autrement. Peu nombreux sont les arbres-mères producteurs des précieuses graines.Et même quand ils sont identifiés, ils ont choisi de ne produire des graines que tous les 5 à 7 ans. D’ailleurs, à peine tombées, les graines sont dévorées par les sangliers et autres animaux sauvages.Buying the leaves to the farmersLa pachamama a fait son choix ; cet arbre restera une denrée rare pendant encore bon nombre d’années. De plus, l’association Ishpingo veillera au grain et n’achètera pas des feuilles d’arbres plantés en monoculture pour une production intensive. L’arbre devra toujours s’insérer dans un système agro forestier riche en biodiversité.
Pour augmenter l’approvisionnement de la filière, l’association Ishpingo a néanmoins quelques réserves en graines et a décidé de donner une dizaine de jeunes arbres à quelques centaines de bénéficiaires. De quoi leur permettre d’augmenter leurs revenus d’ici quelques années sans augmenter leur charge de travail. Les producteurs récoltent et vendent les feuilles quand ils le souhaitent (ou plutôt quand ils en ont vraiment besoin) et peuvent inclure cette culture de rente dans un système de culture traditionnel reposant sur la polyculture et l’autosubsistance.

 

#5 À la recherche de nouvelles huiles rares

Ne souhaitant pas nous arrêter en si bon chemin, nous travaillons sur la commercialisation de nouvelles huiles essentielles. Pour cela, nous avons acheté, fin 2019, un petit alambic qui nous permet de faire des distillations expérimentales d’espèces d’arbres d’Amazonie afin de découvrir de nouvelles fragrances et ainsi ouvrir de nouveaux marchés. Jusqu’à ce jour 4 espèces ont été distillées (le balsamo, le cedro, la batea caspi et un canelo amarillo). Dans les mois qui viennent nous espérons obtenir d’autres huiles. Parallèlement, nous sommes en contact avec plusieurs entreprises de parfumerie, cosmétique et pharmaceutiques françaises qui sont disposées à faire des analyses et des tests de nos huiles pour ensuite les acheter.