La province du Napo vue du ciel

L’année 2019 fut une année très riche en activités avec des résultats allant au-delà de nos objectifs prévisionnels.
Cela grâce au soutien financier de différentes fondations et entreprises, toujours plus nombreuses à nous accorder leur confiance.
Il est temps désormais de calmement regarder en arrière et de faire le bilan.
Afin de vous immerger complètement dans ce récit, nous avons voulu l’agrémenter de nombreuses scènes qui composent notre quotidien.
Bon voyage au cœur d’une année de reforestation et de développement durable en Amazonie équatorienne avec l’association Ishpingo.

 
 

#1 La fabrique

Comme nous vous l’apprenions fin 2018, Ishpingo s’est lancée dans la construction d’un fabrique artisanale. Celle-ci devait être le pilier de notre stratégie de valorisation des produits issus de la reforestation.
Nous sommes finalement parvenu à achever la construction de notre fabrique début 2019. Elle s’étend sur un terrain de 3000 m² acheté en 2018. Situé idéalement en périphérie de la ville de Tena, nous bénéficions de tous les services basiques nécessaires à son fonctionnement (électricité constante, eau potable, internet, téléphone) tout en pouvant vivre en harmonie avec la faune et la flore locale. En effet cette fabrique se situe à proximité d’une réserve de forêt privée de 4 hectares.
La construction a duré moins de 6 mois, de septembre 2018 à février 2019. Elle a donné naissance à un grand bâtiment, hermétiquement divisé en 3 espaces indépendants.

  1. Un bureau administratif avec une salle de réunion pour recevoir nos acheteurs.
    Nous y réalisons également les formations des populations locales en agro-alimentaire et gestion d’entreprise.
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  3. Un centre de transformation agro-alimentaire.
    Dans un futur proche il est destiné à héberger l’élaboration de pulpes, de confitures et de notre pâte à tartiner bio. Cette grande surface nous permettra par la suite d’installer un grand nombre de machines (presse, étiqueteuse, empaqueteuse…) et d’accueillir des petites entreprises locales. Celles-ci pourront venir élaborer leurs produits artisanaux dans de bonnes conditions sanitaires et logistique.
    En attendant, nous avons installé un grand évier industriel pour faciliter le nettoyage des fruits et de grandes étagères pour le stockage. La production actuelle est suffisante pour répondre à la demande de nos clients locaux (hôtels, restaurants, points de vente et particuliers). Prochainement, nous allons nous équiper de marmites avec système d’agitation, d’une dépulpeuse, et d’une chambre froide pour la conservation des produits frais. Nous pensons que l’augmentation de la capacité de production et la rationalisation des process nous ouvrira les portes vers de nouveaux marchés.
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  5. Une distillerie pour la production d’huiles essentielles.
    Nous sommes parvenus à trouver un client intéressé par notre huile essentielle de cannelle amazonienne. Il est donc cohérent d’avoir décidé d’implanter dès la livraison du bâtiment une chaudière et un alambic industriel de 1000 litres. Rapidement, la distillation a pu commencer. L’achat des feuilles de cannelle à un prix équitable permet aux agriculteurs d’augmenter considérablement leurs revenus. En moyenne, les revenus annuels de la centaine d’agriculteurs qui nous ont vendu des feuilles, ont augmentés de 15 % alors qu’ils n’ont eu à réaliser qu’une à trois journées de récolte chacun. Cela fait de la cannelle amazonienne, la culture la plus rentable de la région, sachant que sa récolte est annuelle. Ainsi, notre modèle agroforestier riche en biodiversité confirme qu’il génère plus de revenus aux agriculteurs que la monoculture de cycle court ou le pâturage.

 

#2 Nos productions en 2019

Jusqu’à l’obtention de toutes les autorisations nécessaires à la commercialisation de produits transformés, nous nous sommes contentés de réaliser des ventes de fruits bruts en gros (ramboutan, salak, citron galet, orange) aux primeurs. Nous avons également procédé à une distribution de pulpes et de confitures (arazá et guayabilla) pour faire découvrir nos produits aux hôtels, bars, restaurants et glaciers de la ville de Tena.
 
Une fois les registres sanitaires obtenus, nous avons pu commencer à distribuer nos produits dans plusieurs boutiques.
Les fruits sont achetés dans les fermes par les membres d’Ishpingo puis transportés à Tena. Ceux qui sont destinés aux primeurs sont distribués le jour même. Les fruits d’arazá et de guayabilla sont quant à eux acheminés au local de transformation où ils y sont triés, lavés, pelés et transformés en pulpe.

Aucune marge n’a été dégagée par Ishpingo concernant la vente de fruits bruts. Nous devons aligner nos prix de vente sur le marché tout en offrant un prix d’achat intéressant aux agriculteurs. Les volumes de vente de fruits bruts sont importants et donc prioritaires pour les agriculteurs.
En revanche Ishpingo dégage une marge sur la vente des confitures. Il s’agit donc d’une démarche économiquement viable qui s’insère dans le cadre du commerce équitable.
 
L’activité de distillation est celle qui a été la plus productive. Elle a permis la création d’un emploi à temps plein pour la distillation et un autre à mi-temps pour l’achat des feuilles. Les feuilles sont achetées 2 fois par semaine, les jours de soleil, à raison d’une tonne chaque jour. L’alambic peut recevoir 400 kg de feuilles et la distillation dure toute la journée.
 
Pour fortifier ces nouvelles filières de vente, nous poursuivons la recherche de clients intéressés par l’achat de notre huile essentielle de cannelle. Nous avons contacté énormément d’entreprises, envoyé des échantillons à celles qui nous l’ont demandé et avons bon espoir d’aboutir à l’ouverture de nouveaux marchés dans les prochaines mois.
De cette manière nous pourrons augmenter considérablement le volume de feuilles achetées aux agriculteurs. Il nous faudra probablement augmenter la surface de la distillerie, investir dans un distillateur supplémentaire et un petit camion. Pour améliorer le rendement et la qualité de l’huile essentielle de cannelle amazonienne, nous avons fait une étude approfondie. Les paramètres de 30 distillations furent consignés et les échantillons ont été envoyés dans une université équatorienne (UTPL) pour une analyse chromatographique.
Ne souhaitant pas nous arrêter en si bon chemin, nous travaillons sur la commercialisation de nouvelles huiles essentielles. Pour cela, nous avons acheté, fin 2019, un petit alambic qui nous permet de faire des distillations expérimentales d’espèces d’arbres d’Amazonie afin de découvrir de nouvelles fragrances.
 
À ce jour, 4 espèces ont été distillées :

  • Le balsamo,
  • le cedro,
  • la batea caspi,
  • le canelo amarillo.

Dans les mois qui viennent nous espérons obtenir d’autres huiles. Plusieurs entreprises de parfumerie, de cosmétique et pharmaceutiques françaises sont disposées à analyser et tester nos huiles pour éventuellement les acheter par la suite.

Diversification de nos produits

Nous testons tous les fruits, parfois en les combinant, pour voir lesquels présentent un potentiel gustatif et /ou nutritif. Nous évaluons les coûts de production, puis testons nos produits sur une niche de clients pionnier composée d’environ 200 personnes. Cette stratégie marketing nous permet d’évaluer le niveau d’acceptation des produits et de déterminer le prix de vente.
Les derniers produits que nous avons sélectionnés sont une pâte à tartiner bio à base de banane et de chocolat ainsi qu’une gelée papaye /gingembre.
Fin 2019, il a été décidé de légaliser la commercialisation de ces deux nouveaux produits et les démarches d’obtention des registres sanitaires ont été lancées auprès du Ministère de la Production et de l’ARCSA (Agence de régulation sanitaire). Les numéros de registre sanitaire nous ont été délivrés en janvier 2020.
Notre gamme officielle est donc composée aujourd’hui d’une pâte à tartiner et de 3 confitures originales : Araza, Guayabilla et Papaye-gingembre.

 
 

#3 La reforestation en 2019

Cette année, environ 30 000 jeunes arbres de bois d’œuvre et 20 000 fruitiers ont été plantés sous forme de systèmes agro forestiers chez près de 250 agriculteurs, soit au total 50 000 arbres.
Pour cela, des pépinières communautaires ont été construites dans 9 villages. Les bénéficiaires ont ainsi pu reboiser leur ferme a raison de 100 à 1 000 arbres chacun. Le nombre d’arbres plantés et le modèle de système agro forestier utilisé ont été décidés par le bénéficiaire après une mure réflexion accompagnée par l’équipe d’Ishpingo.

Pour ajuster les productions des pépinières communautaires et fournir les plants nécessaires pour compenser la mortalité, nous avons fait tourner à plein régime la toute nouvelle pépinière d’Ishpingo située à côté de notre fabrique, en produisant près de 20 000 plants.
Le maintien de la biodiversité étant une des priorités pour Ishpingo, plus de 50 espèces différentes sont plantées dans ces futurs agro-forêts. Certaines espèces sont destinées à la vente sous forme de fruits bruts sur le marché local ou sont transformées dans notre fabrique, mais d’autres vont servir à améliorer l’alimentation des populations locales et en particulier celles des enfants dont les carences sont avérées.
Concernant le bois c’est le même principe. Une partie sera vendue, le reste sera utilisé par les acteurs de la reforestation pour la construction de leurs maisons et de leurs meubles, s’affranchissant ainsi du plastique et du ciment.

 
 

#4 Les formations 2019

Pour s’assurer de la réussite de ses projets agro forestier, Ishpingo mise sur la formation des populations locales et leur participation dans toutes les activités de reforestation.
 
Nous animons des ateliers individuels et collectifs sur les thématiques suivantes :

  • les techniques de pépinières permettant la production des plants,
  • la récolte de fruits de qualité,
  • l’entretien des plantations (taille des fruitiers et élagage des arbres),
  • les amendements et les contrôles phytosanitaires bio.

Ces formations sont étalées sur plusieurs années et permettent un contact sur le long terme entre Ishpingo et les bénéficiaires.
La première année, nous utilisons le principe traditionnel kichwa de « minga » ou travaux collectifs pour transmettre ces savoirs de façon pratique. Les agriculteurs sont regroupés autour d’une pépinière commune dans laquelle ils doivent s’investir durant environ 8 mois pour pouvoir recevoir les jeunes arbres qu’ils iront planter dans leur propre ferme.
 
Durant la période de plantation, une visite de notre ferme modèle leur permet d’observer différents systèmes agro forestiers implantés il y a maintenant 10 ans. Les fruitiers produisent des fruits qu’ils pourront déguster, parfois pour la première fois. Ils observeront les caractéristiques et le comportement de chaque espèce. Au cours de cette journée, les bénéficiaires partagent leurs connaissances et leurs inquiétudes entre eux. Grace à tout cela, ils seront à même de décider ce qui est le mieux adapté à leur situation personnelle et professionnelle.
Ishpingo accompagne ensuite chaque agriculteur pour le transport des plants et leur repiquage.
 
Par la suite, nous réalisons des visites régulières de contrôle car dans une végétation luxuriante et libre de produits chimiques, le suivi et l’entretien des jeunes arbres sont indispensables à leur survie. Néanmoins le bénéficiaire est le seul qui puisse faire ce travail au quotidien et sur le long terme. L’équipe d’Ishpingo profite ainsi de ces visites pour former individuellement chaque agriculteur et le rendre de plus en plus autonome.

D’un point de vue global sur l’exercice 2019, nous avons réalisé 70 formations collectives et 250 formations individuelles. Antoine VULLIEN, cofondateur d’Ishpingo.

 

#5 Sensibilisation des jeunes

En parallèle à nos activités de reforestation avec les adultes, nous avons également dispensés des formations dans 6 écoles. Des ateliers théoriques de sensibilisation aux problèmes environnementaux et au développement durable ont été menés avec les élèves (rôle et importance des arbres, conservation des espèces, contamination des fleuves, déchets…).

Afin de concrétiser ces notions, des actions, telles que des sorties en forêt, sont menées pour observer la biodiversité. Rien de tel qu’une tablée de fruits bien mûrs pour la savourer !
Pour initier les jeunes à la reforestation, une petite pépinière a été créée au sein de chaque école permettant la plantation d’un arboretum d’une centaine d’arbres. Sur la même base que les adultes, des « mingas » ont été réalisées avec les élèves pour la plantation et l’entretien des plants. En espérant que ces futurs agriculteurs développeront un intérêt pour la reforestation encore plus grand que celui de leurs parents.

 
 

#6 L’année 2019 en quelques chiffres

  • 300 m² de bâtiment construits dont 40 m² de salle de réunion, 160 m² d’atelier de transformation et 100 m² de distillerie,
  • 1 distillateur de 1000 L installé et opérationnel,
  • 1 alambic de 50 L installé et opérationnel pour nos recherches,
  • 9 pépinières communautaires et 1 grande pépinière appartenant à Ishpingo pour la production des plants,
  • 50.000 arbres plantés chez 250 agriculteurs,
  • 70 formations collectives et 250 formations individuelles,
  • 8 ateliers par école au sein de 6 établissements,
  • 8 tonnes de fruits achetées aux producteurs pour une valeur de 8 000 USD,
  • 48 tonnes de feuille de cannelle achetées pour une valeur de 24 000 USD,
  • 120 kg d’huile essentielle de cannelle produits pour une valeur de 39 000 USD.

 

#7 Conclusion et Perspectives

La gestion de pépinières communautaires, la production de plantes de qualité et la reforestation sont au cœur du projet Ishpingo. Celui-ci mobilise une grande partie de nos ressources humaines, notamment pour animer les travaux communautaires et gérer la production des plants.
Les formations prodiguées auprès des bénéficiaires s’initient donc lors des travaux de pépinières et se poursuivent dans la ferme modèle d’Ishpingo et lors des plantations, mais également lors du suivi, et ce jusqu’à la récolte des fruits. Les visites régulières des parcelles reboisées accompagnées d’enseignement pratiques permettent de s’assurer d’un taux de survie et de croissance des jeunes arbres satisfaisants. Ces plantes vigoureuses et en bonne santé pavent la voie vers une production de fruits et de bois d’œuvre de qualité.
Les visites sur le terrain permettent aussi de maintenir le contact et de fortifier la relation de confiance qui unit les producteurs à l’équipe d’Ishpingo. Cette confiance est indispensable pour entretenir la motivation des bénéficiaires, notamment les premières années durant lesquelles les agro-forêts ne sont pas encore productives. En effet, pendant cette période, les agriculteurs qui pratiquent un modèle agricole de survie ont tendance à prioriser les cultures de cycle court, plus rentables à court terme, au détriment des plantations qui ne sont pas encore source de revenus.
 
La valorisation économique des agro-forêts est la pierre angulaire de notre stratégie de reforestation. L’incitation des populations locales à poursuivre la reforestation devient forte car l ‘enjeu économique est réel. Dans ce sens, l’année 2019 a été prolifique puisque nous avons réussis à développer, à Tena, une production d’huile essentielle de cannelle amazonienne de très bonne qualité qui s’exporte. Cette activité commerciale a permis de fournir des revenus conséquents à près de 150 agriculteurs et à générer deux emplois locaux ! Aujourd’hui, les bénéficiaires souhaitent continuer à diversifier leurs cultures et attendent de nous que nous trouvions d’autres espèces à produire et à commercialiser.

Toutes ces activités n’auraient pas pu être réalisées sans l’aide sur le terrain des bénévoles, stagiaires et services civiques qui viennent chaque année renforcer l’équipe permanente d’Ishpingo. Un grand merci à Quentin, Kathy, Teddy, Marion, Romain, Tom, Viviane, Francesca, Hugo, Camille pour leur énergie et leur bonne humeur.
Et puis surtout nous devons cet important bond en avant à tous les financeurs, petits et grands, qui sont convaincus que le modèle de développement durable proposé par l’association Ishpingo est une solution alternative viable basée sur l’éducation, le respect de la nature et la coopération entre les êtres humains.

 

 
 

Une année au cœur de l’association Ishpingo